Ville en transition – Ungersheim

Des amis me font part de leur enthousiasme après la découverte de « Qu’est-ce qu’on attend ? », un documentaire sur Ungersheim, ville en transition. Ils me le recommandent chaudement.

De fait, le compte-rendu publié dans le journal est particulièrement positif et sa réalisatrice, Marie-Monique Robin, ne cache pas son admiration :

Le bonheur que dégagent ceux qui participent au mouvement de la Transition et que j’ai pu filmer, c’est ce qui frappe véritablement.

J’avais déjà entendu parler de ce projet de transition mais n’avais pas creusé plus avant.

Il est évident qu’une partie des habitants (ainsi que le maire) de Ungersheim sont animés de très bonnes intentions et qu’ils souhaitent sincèrement apporter leur contribution à la solution des problèmes environnementaux. En ce sens, je ne peux que les admirer et les encourager. Et j’espère bien que ce genre de démarche va se multiplier.

C’est pour alimenter la réflexion sur les villes en transition que je vous soumets ma petite analyse de coin de table, plutôt terre-à-terre. La tête dans les nuages mais les deux pieds sur terre dit-on. Et je peux aussi être un homme de chiffres, un homme de réel et de concret. Quand c’est nécessaire. 🙂

Dans ce genre de situation, je regarde d’abord deux choses :

  • La densité de population. Car une commune avec un vaste territoire pour peu d’habitants ne serait pas représentative de la situation (en Europe). Elle devrait alors venir en soutien des villes (alimentation et énergie). Ici, pas de problème. Avec 154 habitants par km², Ungersheim est proche de la moyenne européenne.
  • Le niveau (mode) de vie et de consommation des habitants. Car il est très directement corrélé  aux impacts environnementaux et à la consommation d’énergie. Quand on sait combien d’argent quelqu’un dépense, on sait combien il consomme d’énergie, directement et indirectement, car le couplage est très fort entre l’énergie et la consommation. Et quand on sait combien quelqu’un gagne d’argent, on sait aussi automatiquement combien il consomme (ou délègue la consommation à d’autres via l’épargne et l’investissement). En ce qui concerne Ungersheim, ce n’est pas triste ! L’INSEE nous en apprend beaucoup. Plus de 20.000 € de consommation par personne et par an (plus de 36.000 si on inclut la santé, l’enseignement, les administrations, …). Si toute l’énergie était produite par ce seul moyen, il faudrait, pour correspondre à cette consommation, environ 500 m² de panneaux photovoltaïques par personne (ou plus de 800 si on inclut…). Pour toute la population de la ville, il faudrait près de un million de mètres carrés de panneaux (plus de 1.700.000 si on inclut…), superficies qu’on peut comparer à celle de la centrale solaire d’Ungersheim, la plus grande centrale solaire d’Alsace, avec ses 4.000 m² ! Tout ça ne m’étonne pas du tout car ça correspond bien avec l’impression qui se dégage des scénarios d’une Europe 100% renouvelables. Mais c’est évidemment parfaitement intenable… sans combustibles fossiles ! Raison pour laquelle, Douxville a entamé une transition quelque peu différente.

Il est bon de toujours garder quelques points à l’esprit :

  • Toutes les consommations de biens et de services impliquent des consommations d’énergie. Toutes. Certaines plus que d’autres, peut-être, mais, au total, et malgré leur apparente diversité, les modes de vie des Européens sont très semblables (habitat, mobilité, télécommunications, santé, etc.) comme on peut le deviner en examinant les statistiques de consommation des ménages.
  • Tout ce qu’on gagne sert à consommer ou à épargner/investir, ce qui correspond à une autre consommation.
  • On ne peut pas diminuer son empreinte écologique sans diminuer ses revenus. Je sais, c’est incroyable et, pour notre société et nos politiciens, c’est difficilement concevable. Seuls les mouvements de décroissance, de plus en plus nombreux, sont en phase avec cette réalité physique. D’ailleurs, les communautés universitaires leur marquent un intérêt croissant.

Dans l’article du journal, je suis par exemple frappé par l’importance du mot « économie » et par le peu de compréhension attaché à ses implications économiques. On y lit des phrases comme :

  • « En 2000, Ungersheim était pionnière en chauffant sa piscine municipale exclusivement au moyen de panneaux solaires. Depuis, un éco-hameau est sorti de terre, composés de neuf maisons passives aux murs de bois, à l’isolation de paille et à la toiture en cellules photovoltaïques. »
  • « (…) la distribution de l’eau a été reprise en régie municipale, faisant baisser le prix de 10 %. »
  • « Depuis 2005, la commune a réalisé plus de 120.000 euros d’économies, n’a jamais augmenté les impôts locaux (…) »

La préoccupation économique saute aux yeux. Pourtant, quand on fait des « économies« , parce qu’on isole sa maison ou chauffe sa piscine avec des panneaux solaires, on dispose de cet argent économisé pour effectuer d’autres dépenses et donc consommer de l’énergie autrement. Ce n’est donc pas une diminution de la consommation d’énergie mais un transfert de consommation. Une école m’expliquait par exemple que grâce aux économies de chauffage ils avaient pu acheter des tablettes pour les élèves. Donc : transfert. On parle souvent d’effet rebond ou d’effet de revenus. Idem quand on n’augmente pas les impôts locaux. Les habitants gardent donc plus d’argent à dépenser ailleurs.

Et pour les curieux, il y a aussi un article sur la démarche de Ungersheim sur l’excellent site reporterre.net !

Encore une fois, mon seul objectif est d’apporter des éléments de réflexion au débat, pas du tout de critiquer une démarche que je soutiens clairement. Je suis d’autant plus intéressé par l’expérimentation d’Ungersheim que cette petite ville ressemble fort à Douxville : même population, même étendue et (surtout ?) même envie de trouver une voie combinant le bien vivre dans une société conviviale avec une préservation réelle de l’environnement.

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